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Avec sa séquence diplomatique, Xi Jinping veut montrer qu'il est "aux commandes"
information fournie par Reuters 05/09/2025 à 06:24

par James Pomfret, Laurie Chen, Mei Mei Chu et Antoni Slodkowski

En 2015, quand il avait organisé son premier défilé militaire pour commémorer la fin de la Deuxième Guerre mondiale, Xi Jinping avait choisi de placer à ses côtés ses deux prédécesseurs à la présidence chinoise, en marque de respect et de continuité au pouvoir à Pékin.

Dix ans plus tard, après avoir balayé toute opposition et obtenu un troisième mandat présidentiel inédit, Xi Jinping est apparu mercredi sur la place Tiananmen entouré du président russe Vladimir Poutine et du dirigeant nord-coréen Kim Jong-un.

Les cadres du Parti communiste chinois (PCC) ont été parsemés en tribunes aux côtés des responsables étrangers invités à assister à la parade, d'une ampleur sans précédent, marquant le 80e anniversaire de la fin de la Deuxième Guerre mondiale.

Ce rendez-vous a été précédé d'un important sommet régional, à Tianjin, en marge duquel Xi Jinping s'est entretenu avec le Premier ministre indien Narendra Modi, qui effectuait sa première visite en Chine en sept ans.

En mettant en exergue son poids diplomatique, son endurance et ses ambitions géopolitiques, le dirigeant de 72 ans a contribué à atténuer les préoccupations de certains observateurs à l'égard de sa vitalité, en raison d'absences sporadiques et de flou sur de potentiels plans de succession.

Selon des experts, tout cela a également permis de détourner l'attention de la population, dans un contexte de ralentissement économique, alors que Xi Jinping a aussi effectué le mois dernier une rare visite au Tibet.

"Cette semaine de diplomatie triomphante pour Xi montre qu'il demeure complètement aux commandes des élites politiques du Parti communiste", a déclaré Neil Thomas, membre du centre de réflexion Asia Society, basé à New York.

Le président chinois, qui ne peut s'appuyer sur la croissance économique pour bénéficier de la même légitimité que ses prédécesseurs, s'est tourné vers le nationalisme "pour tenter de compenser cela", a-t-il ajouté.

"Il s'agit d'une façon de détourner l'attention loin des défis économiques et de rendre les citoyens fiers d'être chinois, alors que cela est devenu plus difficile avec l'expérience quotidienne du chômage, de la crise de l'immobilier et de salaires qui stagnent", a poursuivi Neil Thomas.

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Xi Jinping a également soigné son image pour assister mercredi au défilé militaire. Il était vêtu d'un costume gris, inspiré de ceux portés par l'ancien président Mao Zedong et allant de pair avec ses cheveux grisonnant, pour façonner sa stature de doyen de l'Etat, en contraste avec les traditionnels costumes noirs qu'il privilégiait dix ans plus tôt.

Le rôle du Premier ministre Li Qiang s'est réduit. Le numéro deux du pouvoir à Pékin a été chargé de mener cette semaine les réunions perçues comme relativement peu importantes, avec les dirigeants malaisien et ouzbek. Les discussions de premier plan avec Kim Jong-un, Narendra Modi ou encore le président turc Recep Tayyip Erdogan ont incombé à Cai Qi, directeur du secrétariat central du PCC.

Pour la plupart, les responsables étrangers s'étant rendus en Chine au cours de la semaine écoulée ont vu leurs pays être visés par les droits de douane mis en oeuvre par le président américain Donald Trump depuis son retour au pouvoir en début d'année. L'Inde en fait partie, avec des taxes douanières américaines de 50%, notamment parce que Washington reproche à New Delhi de continuer à acheter du pétrole auprès de la Russie.

Ce fut l'un des moments très remarqués de la séquence diplomatique orchestrée par la Chine ces derniers jours: Narendra Modi et Vladimir Poutine main dans la main, lors du sommet de l'Organisation de coopération de Shanghai (OCS) à Tianjin, pour aller discuter avec Xi Jinping. L'illustration de l'échec des Etats-Unis à se rapprocher de l'Inde pour contrer l'influence de la Russie et de la Chine, et des tensions personnelles entre Donald Trump et Narendra Modi.

"Au bout du compte", a déclaré Even Pay, directeur de la firme de conseil stratégique Trivium Chine, "l'un des principaux facteurs de la démonstration de solidarité de l'OCS est la politique des Etats-Unis".

Donald Trump, qui a qualifié le défilé militaire à Pékin de "magnifique" et "très impressionnant", a accusé via son réseau social Truth la Chine de conspirer avec la Russie et la Corée du Nord contre les Etats-Unis. Le Kremlin a nié tout complot et laissé entendre que ces commentaires du président américain étaient ironiques.

"LE MESSAGE D'UNE ALTERNATIVE PLUS FIABLE"

Selon des analystes, le tourbillon d'activité de Xi Jinping met en exergue l'ambition de Pékin d'apparaître auprès des pays en développement comme un partenaire fiable sur la scène internationale, offrant des avantages, comme des opportunités d'investissement, ainsi qu'une nouvelle banque de développement - une avancée majeure pour l'OCS, qui s'est élargie au fil des décennies pour intégrer l'Inde, le Pakistan et l'Iran.

"Le message de la Chine d'une alternative plus fiable et plus stable que les Etats-Unis résonne dans plusieurs parties du globe, en particulier en Asie, où les Etats-Unis sont considérés comme une force de plus en plus belligérante dans les affaires mondiales", a déclaré Eric Olander, rédacteur en chef de l'agence de recherche China-Global South Project.

"Beaucoup de pays en développement et de moyennes puissances restent quelque peu ambivalents à l'égard de ce que la Chine propose avec ses initiatives de nouvelle gouvernance et de développement, mais cela a le mérite d'être tourné vers l'avenir, ce qui est crucial pour des économies dont la population est majoritairement composée de jeunes en quête de meilleures opportunités d'emploi", a-t-il ajouté.

Reste que, d'après des experts, certaines positions figées de Pékin en matière de politique étrangère, avec notamment des revendications territoriales contestées et des subventions à l'industrie permettant aux firmes chinoises d'inonder les marchés étrangers avec des produits à bas coût, devraient continuer de représenter des points de friction.

Par ailleurs, la défiance profonde de l'Inde envers la Chine ne va pas se dissiper uniquement grâce à une seule réunion rapide. "Il ne s'agit pas nécessairement d'un virage vers une vision mondiale centrée sur la Chine", a dit Neil Thomas.

(James Pomfret, Antoni Slodkowski, Laurie Chen, Mei Mei Chu, avec le bureau de Pékin; version française Jean Terzian)

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